▶ Un autre regard

Portes Ouvertes


Cette douce soirée d'été promettait d'attirer de nombreux curieux à l'observatoire du club.

Rituel instauré depuis plusieurs années, cette porte ouverte aux étoiles fuyantes, rassemblait traditionnellement une petite troupe attendrissante de ses questions naïves.

La soif de savoir des candides pouvait déjà s'étancher aux sources de la voie lactée, qui s'épanchait depuis le Sagittaire, appuyé par le Scorpion, première constellation à piquer la curiosité des touristes d'un soir.

Cette année là, le ballet des satellites joviens, quelques amas globulaires, La galaxie soeur, les doubles colorées du Cygne et du Dauphin offraient matière à gloser sur poids et mesures à l'échelle de l'univers, mais aussi sur la pluralité des mondes.

Un petit monsieur, fort peu favorisé d'apparence, et qui s'exprimait d'une voix hésitante, posait timidement une multitude de questions courtes et précises. Disgracié mais doté d'un regard qui brillait d'impatience, il était toujours le premier à observer l'objet pris dans les filets du miroir de 410 mm.

Alors que vint l'heure raisonnable de refermer le toit de l'observatoire, nous séparant des invités dont certains juraient, comme chaque année, de succomber à la passion en s'inscrivant au club, ce petit monsieur semblait fasciné par la manoeuvre.

Je m'apprêtais, le voyant peu enclin à prendre congé, à lui proposer le café et les quelques gâteaux « maisons » que nous dévorions traditionnellement en fin d'observation. Il refusa poliment cette eucharistie pour le partage de laquelle tous nos pratiquants étaient généralement consentants.

Alors que je faisais remarquer à mes coreligionnaires la prolixité de ce participant, je fus étonné de m'entendre affirmer « qu'il n'avait pas dit un mot ! » et se contentait de « jeter avidement l'oeil à l'oculaire ».

D'instinct, je quittais alors l'assemblée qui poursuivait dans la joie la communion rituelle, pour voir s'en retourner ce curieux personnage.

Un pinceau de lumière qui balayait les haies bordant notre terrain, m'indiquait que le véhicule du petit homme regagnait !

Bouche bée, j'aperçus un sursaut d'une lumière orangée et d'une balafre de rétine, je vis ce drôle d'équipage rejoindre le firmament !

Les rires en rafale qui résonnaient depuis notre navire aux voiles repliées, me dissuadèrent de narrer à ces marins sans peur, la teneur de ma « vision ».

J'imaginais avec effroi les réactions des participants d'un forum d'astronomie, et que je hantais de temps à autre, sous l'anonymat de mon « pseudo », si j'osais relater ce fait si peu scientifiquement correct.

Doté d'une bonne dose d'imagination, j'ai donc décidé que cette nuit fut simplement celle des portes ouvertes à mes délires !


HAMILTON.